Par Josip Rainer: Le bol tibétain (2)

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Par Josip Rainer:  Le bol tibétain (2)

SUITE de l'article de Josip RAiner

C’est évident, c’est vrai, en tout oubliant, en tout écoutant, le chant de mon bol tibétain devient la sonorisation de l’ensemble corps/esprit. C’est à force de l’oubli de son symbolique, que j’entends son chant qu’il respire de façon aérienne et linéaire, et c’est ici que se crée, je crois, le bâti de notre souffle commun, de nos souffles respectifs en communauté respiratoire. Et c’est ici, je l’espère, que le souffle qui sort harmonieusement de son chant et de mon écoute, que cela fait respirer davantage, et mieux, le monde, mon corps douloureux en premier. Et voilà que l’écoute que je fais de mon bol chantant, ça passe par l’oubli que je fais de son passé, voire de mon présent. Chut, nous sommes ici, là, parmi nous. La réalité est absolue, et le chant de mon bol n’est pas chanson, mais dans le cumul de nos présences ensemble, nous respirons ensemble, et je bénéficie des soins sonores et résonants de mon bol tibétain. J’aime penser, et j’adhère au rêve testamentaire que je fais de son chant, qu’il respire un état de souffle qui, oui, qui me fait du bien, un souffle qui existe donc comme chant créateur et surtout, comme chant révélateur de la bienséance qui est le droit inné et de naissance, de chaque corps humain. Mon bol, je vous entends, et j’écoute la nature même de ton chant comme étant « la semence d’un souffle harmonique et universel ».

Mon bol, cher ami, ose-je vous dire que j’entends dans votre chant, un souffle « mantra », un souffle de genre souffle « bija », un souffle semence de la sorte qui qualifie « les sonorités sacrées ou magiques qui peuvent modifier, détruire ou créer toute chose, y compris dans le mental humain3 ». C’est certain, mon bol chantant, il respire, et c’est dans l’espoir profond de moins souffrir et d’encore améliorer ma plénitude d’esprit, que je persiste dans l’acte d’entendre mon bol chantant. Peu importe que le chant de mon bol soit un souffle sonore de nature élémentaire, parce qu’à travers mon écoute intérieure de son chant, j’entends un chant formé d’une seule syllabe, et peu importe laquelle, parce que son « accent » de chant se trouve partout dehors, dans le monde entier, et ici dans l’alliage métallique de son martèlement de naissance, dans son aspect gravé ; et aussi dedans, et surtout, dedans et en moi, un chant mantra de cœur, un chant mantra chargé d’une énergie divine et d’une sonorité qui me soigne, et qui, tout fidèlement, m’apaise.

De nouveau, voici la vérité orale de mon bol chantant. Son chant est destiné émotionnellement, qu’à moi, à ma personne, à mon corps douloureux et mon esprit quiet. et tout s’est construit dans l’oubli de tout, du monde qui nous entoure, et du passé composant de mon bol lui-même. Les échos qui émanent en résonance de son chant, ils entrent en moi, et ils s’intériorisent d’office, et en ralenti ils se dispersent dans le corps, dans les cellules même de ma douleur. La bienséance que je tire de son chant, je le nomme. L’apaisement par la sonore, ce sont ces sons qui associent leur propre énergie résonante à la personne qui les entends, et tout en éveillant son écoute intérieure, pour ainsi transformer son ressenti sanitaire en soins sonores apaisants et harmonieux. Peu importe que ce ressenti du corps soit réel ou rêvé, ce ressenti se réveille en source sonore résonant, et puis se transpose en image soignante, donc, en la perception authentique d’un état de bien-être total, et peut-être possible. Que l’écoute du chant de mon bol se transforme en placebo sonore, c’est acceptable, et finalement, c’est bien utile qu’après chaque chant de mon bol, le corps souffrant soit libéré émotionnellement et en rêve de sa douleur.

Voici le récepteur que je suis du chant qui m’est offert par mon bol. En ce qui concerne les conditions, sur l’instant, pour bien accueillir son chant, j’ai déjà fait mention de certaines nécessités. Il reste quand même la possibilité d’encore mieux encadrer l’instant de l’acte quand mon bol me chante. Donc, en un mot qui vaut mille, j’affirme le tout évident d’un être humain écoutant le chant d’un bol inanimé qui respire. Donc, un tel rencontre se prépare. Il n’est pas question d’aller faire mes courses, et en rentrant à la maison, de dire bonjour à Madame Morphine, et puis de mettre en marche la télévision, et par la suite, de procéder au chant de mon bol tout en buvant un café expresso. L’acte de « faire résonner » un bol chantant nécessite un climat serein d’anticipation de l’acte ; donc, en préparation avant, et puis après, dans la réception que je ferai des actions bénéfiques de mon bol. À travers le chant de mon bol, sa résonance sonore devient un mode d’extériorisation de ses bénéfices ; et cela représente pour moi, dans l’écoute, un accès aux sons spirituels et thérapeutiques. Il faut tout de même préciser que l’expression chantante de mon bol n’est pas langage ; il n’y a pas d’empreinte linguistique ou sémantique. À travers son chant, le son de mon bol est un mode d’extériorisation de créativité, mais en lui écoutant, j’entends une expression sonore sans parole, sans mots, sans ponctuation. Ainsi, son expression résonante ne rentre pas dans le cadre strict d’un langage, mais s’entend comme étant un chant sonore pur et naturel. Chut, écoute, son expression chantante est uniquement la réalité d’un pouvoir spirituel exprimé en son, et encore, un son que j’entends sur le plan personnel comme étant « une main sur l’épaule ». Et c’est ici que réside la vérité d’un son naturel qui s’entend, non pas en langage, mais dans la visualisation d’un pouvoir spirituel et thérapeutique. Le chant de mon bol est la mise en image de sa capacité sonore de donner au corps, dans l’écoute, de la joie et de l’apaisement. Par conséquent, le chant de mon bol n’est pas de nature vocale, et son expression n’est pas celle d’une voix, humaine ou autre. Encore, en écoutant son chant, je crois que son expression est plus naturelle que la voix humaine, plus apaisante que la voix parlée, laquelle est trop marquée par des intonations artificielles. Sans langage et sans mots, le chant de mon bol n’est pas porteur d’idées, et la seule signification de son chant réside dans l’action sonore ; donc, pour moi, la mise en image de la bienséance et d’un possible bien-être.

Rossignol, je parle pour moi. J’entends le chant de mon bol, et cet état d’écoute intérieure est devenu un moyen intime d’entendre et de voir un état de bien-être, même en état fantôme et rêvé, et puis, les résonances de son chant vibrent dans mon corps entier, tout en libérant les tensions émotionnelles de la douleur. Les sons de son chant vibrent ainsi dans mon corps, et ils apaisent l’état physique et psychique de mon corps douloureux.  Et je vous assure que ses résonances vibrantes font écho encore plus profondément dans ma personne, là, ici, dans la conscience inavouée que je fais de la douleur. Pour ma part, celle d’un utilisateur souffrant et heureux, le chant de mon bol m’est légèrement familier dans la nature taoïste de ses sons harmoniques. Sans aucun ancrage dans le fait religieux, je peux même dire que les ondes vibrantes de mon bol s’entendent, dans l’espace de l’ouïe bien sûr, mais encore plus loin, là, directement dans mon cerveau, dans mon cortex. Voilà, l’histoire se répète. Oui, le quotient émotionnel que j’ai cherché dans mon choix d’un bol chantant, je le trouve ici, dans l’écoute chaque fois de son chant. Le chant de mon bol aujourd’hui est vraiment un enivrement sonore subtil. Bien que le chant de mon bol n’est pas chanson, et n’est pas langage, son expression résonante est terriblement porteuse de signification, avec une palette sonore qui passe par le toucher et l’ouïe, une mise en image de la complicité en bois entre un bol métallique et un corps humain, et laquelle est végétal à volonté, donnant une union des graves et des aigues qui résonnent dans le corps intime et privé, dans certaines zones charnières de ma personne. C’est dit, le chant de mon bol  tibétain chantant me donne des modulations sonores, et par conséquent, ces résonances intérieures m’offrent la possibilité, non pas d’être guéri de la souffrance physique et psychique, mais de résister à la douleur sans répit, et tout simplement, de tenir. Le pouvoir spirituel et thérapeutique que je tire de mon écoute d’un bol inanimé, ça maintient la plénitude d’esprit nécessaire pour vivre, dans un état de survivance constant et heureux.

J’écoute mon bol tibétain, donc, je vis ; je lui entends de plus près, dans ma tête, donc, je survis. Encore, l’acte de « faire résonner » un bol chantant nécessite un climat serein d’anticipation de l’acte. Avec l’objective de faire résonner mon bol, et de l’entendre, que la préparation de l’acte commence. La mise en route de la scène du chant et de l’écoute est claire : chez moi, nous sommes seuls, mon bol chantant et moi. Pour moi-même, comme pour toute personne handicapée en fauteuil roulant, le fait d’être debout est une position qui me dépasse. Pour toute personne handicapée dans une situation de handicap, la position assise est forcément la seule position de verticalité qui m’est disponible. En langage d’invalidité, « Je marche en étant assise. Je suis debout en étant assis ou allongé. »

Silence. Avec une conscience de constat clair et fort, j’affirme qu’un état de silence complet est le réquisit primordial pour que mon écoute de mon bol chantant se déroule avec sérénité. Pour pouvoir entendre, au moins, un écho d’apaisement dans son chant, un état de silence plénier est nécessaire pour que son chant soit le plus libre et aérien et linéaire que possible. Au-delà de cet état de silence pendant son chant, il m’est personnellement et émotionnellement nécessaire de créer les conditions d’un SILENCE absolu : donc, avant en pendant et après le chant de mon bol. Dans la pratique, ces trois lieux de silence créent les conditions d’une conjoncture silencieuse générale, une absence de bruit qui favorise une meilleure sonorisation du chant et de l’écho extérieur, et par là, une meilleure résonance de l’écho intérieur en moi. Dans tous les cas de chant et d’écoute, le son et le silence sont toujours complémentaires et indissociables.

Ainsi, dans mon état de verticalité assise, j’entends le chant de mon bol à travers le SILENCE. Laisse-moi l’occasion de récupérer le rêve. Après des experts techniques4, « c’est à travers le tronc cérébral, que le muscle auditif est relié à l’ensemble du corps ». Voire de mon corps souffrant. Voilà, qu’ils soient des notes graves ou aiguës, les fréquences sonores émises et « offertes » par mon bol chantant, ils créent dans le corps douloureux, les conditions d’un bien-être rêvé, parfois un apaisement de nature musculaire, et parfois un soulagement psychique dans l’âme, mais peu importe la qualité des soins sonores, ça donne toujours un état de lâcher prise, et un souffle plus oxygéné et ralenti. Encore, voici les avis des spécialistes sur le sujet, et je paraphrase quand nécessaire. « L’oreille est l’organe clé du développement de la verticalité chez l’Homme. » Et évidemment aussi chez cet homme assis. Pour un certain spécialiste de la question, « Les fréquences aiguës perçues par l’oreille droite seraient les plus toniques sur le plan psychique, tandis que les sons graves perçus par l’oreille gauche stimulent plutôt le plan physique. »4 idem. C’est peut-être ce raisonnement qui explique la nécessité de bon sens qui veut qu’en faisant résonner un bol chantant, il faut être face au bol, que ce soit de façon debout ou « debout assise ». Je continue, en citant un avis que je trouve terriblement humain, et lequel m’apaise davantage, et autant sur le plan spirituel que thérapeutique. « De leur côté, les adeptes du mantra yoga ont généralement une préférence pour les sons graves qui donnent de la profondeur et participent à l’équilibre psychosomatique en recentrant le sujet sur le hara. De toute façon, l’oreille joue un rôle important dans le développement de l’Homme.4 idem » Et dans les intérêts innés de toute personne handicapée, et en particulier de cette personne en fauteuil roulant, j’ajoute, sans ironie et en souriant, que mon écoute se situe autant au niveau de mes oreilles que de mon ventre.

Ainsi, je me prépare à écouter mon bol chantant. Dans la semi-obscurité d’un salon tapissé partout de livres, je regard mon bol tibétain chantant, et étant assis debout, je lui regard de face. Mon bol est devant moi, y assis sur un livre. Puis, d’office, et après des longues années de pratique respiratoire, je retiens mon souffle, et mon souffle se ralentit de lui-même. L’exercice m’est déjà très familier, en cumul donc avec les préceptes inhérents dans l’Ānāpānasati sutta (āna-apāna-sati, mot pāli), ce qui signifie attention sur le souffle. À l’instant de ma première frappe de mon bol, je cite le suivant comme lecture et référence d’éclairage5 :

« Dans le bouddhisme theravada, le souffle est l'objet de méditation le plus courant quand il s'agit de calmer l'esprit. Pour ma part, comme dans le chant de mon bol chantant, je trouve dans la pratique de ce très bref sutta, les fondements d’un apaisement par le souffle, le tout en vue d’apaiser la douleur atroce qui m’affecte dans mon corps, et dans ma pleine conscience de la vie de tous les jours. Encore, pour moi, la pratique de cette méthode, comme avec le chant des bols chantants, cela n’est pas un ressort à une pratique de méditation. En écoutant mon bol, comme dans la pratique du « Soutra de la pleine conscience de la Respiration », je ne médite pas ; et je ne cherche nullement ailleurs, un autre nirvana d’esprit. Je dirai plutôt, que je m’évade de mon corps douloureux en utilisant la respiration comme point de départ d’un possible soulagement. La pratique de ce soutra procède en payant attention aux mouvements de l’abdomen dus à la respiration. Et voici de nouveau un processus qui convient parfaitement à la position assise « offerte » par une situation de handicap et de mobilité réduite. Le sutta ānāpānasati, du canon pāli, est l'un des plus populaires chez les theravadins. Il décrit la pratique de l'attention tout au long de la journée, ainsi qu'une pratique, en 16 points, dont quatre groupes, menant ainsi à un état de concentration plus élevé ; et pour ma part, peut-être aussi à l'obtention, non pas du nirvana, mais une moindre souffrance physique du corps. »

Mon bol tibétain de note SI et gravé, il me chante. J’écoute ces sons qui ne sont pas, chanson. J’entends ces ondes résonantes au plus profond de mon être. Avec mon esprit tellement quiet, j’entends ces sons résonants qui vibrent dans mon être entier physique et psychique. Non, je ne pleure pas. Et voilà encore un bénéfice inattendu de mon état de personne handicapée : je ne pleure pas. Certes, mes larmes sont présentes, mais ils sont silencieux, et c’est tout l’art de savoir pleurer en muette. Rossignol, entends-tu aussi, le chant de mon bol. Voici l’art de recevoir des sons, et d’accueillir, au plus intime de mon désespoir, les résonances vibrantes de mon bol chantant. Le rêve est là, ici, en moi, et l’échec aussi. Ah, j’ai des larmes dans ma gorge. Le chant de mon bol m’enchante, et pour un bref instant d’écoute, ces échos me calment, et m’apaisent, et prolonge tout naturellement l’état quiet et heureux de mon esprit. Rossignol, ne pleure pas. Le chant de mon bol s’est dissipé lentement en une marée d’échos, et voilà, les échos ne sont plus, et le chant de mon bol est muet. Rossignol, soit, comme toujours, à mon côté, et soit patient. Le chant en continu de mon cher bol chantant, c’est une question de volonté, et mon bol me chantera de nouveau plus tard, dans un instant. Maintenant, dans le sillage sonore éteint de mon bol qui ne chante pas, et qui me regarde, c’est le moment de prolongement de ses actions bénéfiques. Le silence qui s’imposé d’office avant que mon bol commence à me chanter, le même silence s’est déployé pendant le temps de son chant. Et maintenant, et maintenant, le chant fini, c’est le silence d’après qui me nourrit. Chut, cher rossignol imaginaire, tais-toi, soit sans son, soit sans voix, soit mon oiseau placebo, soit, prie, mon oiseau passereau. Dans un instant, je sortirai de mes trois états de silence. Et à cet instant, ça sera l’occasion inouïe de remémorer le dernier chant de mon bol, et sacre bleu, de préparer le prochain rendez-vous entre moi et mon bol chantant.

Enfin, mais quel remaniement inattendu de mon enfer corporel, et en plus, qui m’est offert par mon bol chantant…comment comprendre alors…ces points de suspension…ils parlent pour moi. Alors, comment fais durer dans le temps, le cadeau unique que je trouve dans le chant de mon bol ? Ces trois états de SILENCE me comblent d’une réalité d’écoute intérieure qui me soigne le mieux possible. Le Silence avant, et le Silence pendant, et le Silence après, cela représente la durée d’un rêve durable d’un quelconque apaisement. Voici, les conditions requises d’un véritable SILENCE autour du chant de mon bol. Chante, chante.

Dans l’attente de « faire résonner » mon bol chantant, citons donc, en guise de préparation, une réflexion sur la nature de mon SILENCE absolu:

« Au-delà du silence profane, qui n’est qu’absence de bruit, le véritable silence, beaucoup plus profond, correspond à une disponibilité absolue, à une écoute consciente et active, à une expérience de résonance avec l’être essentiel et la plénitude, c’est-à-dire avec d’autres niveaux de conscience.

C’est un exercice spirituel très pratique en chamanisme qui consiste à faire cinq minutes de silence (avant) pour se préparer à écouter le son du gong, par exemple, et cinq minutes après la fin de la résonance. Le premier silence correspond à l’absence de bruit tandis que le second permet d’apprécier les éléments qui se sont éveillés en soi, sous l’impact vibratoire. Il correspond à cette nouvelle qualité de présence intérieure due à l’apport énergétique, même lorsqu’elle n’est pas vraiment consciente.

Comme le son des cloches, celui du gong a souvent été utilisé pour déclencher des vagues sonores autour du disciple de manière à favoriser une intériorisation. Parfois aussi pour l’amener à chercher en lui le lieu de résonance qui s’avérait toujours être la région ombilicale. À constater également que la vibration qui se loge dans la tête est altérée, densifiée, du fait que le son a été interprété pour être traduit en mots.

En tout cas, la découverte de ce lieu de résonance intérieure donne accès à un univers sonore extrêmement riche, à une sorte de confrontation avec le cœur des choses et la pulsation intime de la vie. (La douleur aussi j’espère). Cette expérience explique comment les ondes cérébrales, les rythmes cardiaque et respiratoire, le tonus émotionnel, la cadence et d’autres rythmes organiques sont influencés par l’écoute de telle ou telle musique. (Y compris le chant d’un bol chantant).

C’est dit, c’est entendu, j’entends les bénéfices de mon écoute intérieure. Le souvenir que je fais de mon écoute de mon bol chantant, et que j’offre comme accueil de ses vibrations en écho, c’est une conséquence extraordinairement allusive et illusoire du fait que je me sens apaisé. Comment expliquer qu’un corps douloureux soit soulagé par le chant d’un objet apparemment inanimé, un objet sorti du talent artisanal des hommes ? Comment faire comprendre, aux autres et à mon corps même, que le chant de mon bol n’est pas chanson, et cela en vertu du fait qu’à travers son alliage métallique, mon bol respire. Oui, chut, mon bol respire. Alors, dans le bâti d’une écoute commune entre nous, est-ce que c’est ici que le rapport intime entre le macrocosme de mon bol,  et le microcosme de moi-même, se crée ?

Finalement, après maintes réflexions sur la magie audible et physique de mon bol, il faut admettre que c’est dans mon OUBLI de son symbolique que se crée un symbolique encore plus puissant, et par là, ici, en moi, que le chant de mon bol m’apaise. Comme toujours, le sens inné de l’écoute est l’accueil de toutes propositions en étant intérieurement disponible. Dans le corps, en écoutant le chant de mon bol, vive, ses soins fondamentalement géographiques, et vive, sa couleur arc-en-ciel, et vive, sa note musicale de SI. Écoute, et vive, dans l’âme cette fois, un autre cumul de bénéfices, vive, des actions sonores qui sont de nature des langues diverses, et multiculturelles, et ainsi, vive, ces sons citoyens et républicains et aussi féminin que masculin.

Ce bol est donc « mon bol à moi », et donc en mon image, celle de mes attentes spirituelles et thérapeutiques. Ainsi, mon bol qui tient sa note musicale fondamentale de SI, ce bol m’aide vivement dans mon écoute de moi-même, et mon constat du corps sanitaire en premier. J’admets, mon bol serviteur m’aide, à tenir. Merci. Est-ce nécessaire, après que le chant de mon bol s’est dissipé en écho, et avec grande équilibre dans sa dispersion sonore, de lui applaudir. La question est déjà la réponse.

Rossignol, je te jure. En écoutant le chant de mon bol de si près, et de façon incroyablement intime, et en étant profondément engagé dans mon écoute intérieure, j’ai pour reflexe instinctive de fermer mes yeux. Quand arrive l’instant de fin chant, et au moment même que la résonance intérieure du chant, s’éteindre, j’ouvre mes yeux. Et ça, en soi, n’est pas la geste spirituelle équivalente pour applaudir mon bol ? Grâce, avec ses sons harmoniques et cicatrisants, mon bol me chante, et à travers mon écoute intérieure, mon corps s’apaise. Hein, voici une anecdote annexe qui me fait rire. En fin du chant, et en tenant dans ma main droite, mon cher bol chantant qui ne résonne plus, j’ouvre mes yeux, et je lui applaudis avec une seule main. 

Mon cher bol chantant, comment te dire, voilà, mon cher bol chantant à moi, je me demande : « Et entre nous, qui est le possesseur de qui ? » Voici, je prépare tout, et j’anticipe tout, pour pouvoir te faire résonner avec honnête et sincérité, une anticipation qui se joue dans mon âme quiète et mon corps douloureux. Je désire en premier que dans le silence absolu et dans nos deux corps immobiles, que tu puisses chanter ton chant. À partir de cette préparation innée, j’espère t’offrir, la plus grande sincérité et force de conviction dans tes sonorités. En me chantant, et en devant mon substitut de rossignol, ton chant est complètement en accord avec ma méthode alchimique intérieure pour moins souffrir, c’est-à-dire, pour mieux rêver et espérer l’impossible. J’admets, je fais toujours de ton chant, en copie du cœur, ma « carte de la culture de la perfection » à moi (Xiuzhen tu). Ainsi, en t’écoutant, je sais implicitement que « si le corps est immobile, l’essence se fortifie ; si l’esprit est immobile, l’esprit devient agile et efficace ; si le cœur est immobile, le souffle se fortifie ». Avant ton prochain chant, il y a toujours une empreinte de ton dernier chant qui me reste en mémoire. Rassure-toi, tes chants ne se ressemblent pas. Dans le silence et l’immobilité, je t’écoute sans cesse. Chuang Tzu avait raison, oui, il a toujours la véritable sagesse des sentiments. « N’écoute pas par tes oreilles, mais par ton esprit ; n’écoute pas par ton esprit, mais par ton souffle. Les oreilles se bornent à écouter ; l’esprit se borne à se représenter. »7 C’est vrai, en t’écoutant, je me vois sans souffrance, sans douleur.

Mon bol tibétain, chante-moi. Je t’écoute. « En effet, il y a une correspondance entre la manière dont les chocs sont imprimés à l’air au moment initial du mouvement et les modalités des sons lorsqu’ils rencontrent l’organe de l’ouïe : sans consistance ou fermes, doux ou durs, grêles ou épais. Ami chantant, bien que métallique, tu es vivant et tu respires. Chante-moi.8  

NOTES

  1.        https://www.artisans-du-nepal.com/64-7-metaux-graves?id_category=64&n=30

Le site internet « Artisans du Népal », avec des excellents commentaires, et des vidéos, et surtout, avec une couverture en écoute sonore de chaque bol et de sa note musicale fondamentale.

  1.        La meilleure traduction est sans aucun doute l’édition suivante : Lao-Tzu, La voie et sa vertu, Édition du Seuil, collection Sagesses, texte chinois présenté et traduit par François Houang et Pierre Leyris, page 65.

  1.        « Le pouvoir spirituel du son et de la voix », Josette M. Abel, Éditions du Rocher, 2003, page 97.

  1.        Idem. Page 115, lignes 13-31.

 

  1.        https://fr.wikipedia.org/wiki/%C4%80n%C4%81p%C4%81nasati

                    Nom de la page : Ānāpānasati. Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0.

                        Article :  Ānāpānasati de Wikipédia en français (auteurs)

  1.        Idem. « Le pouvoir spirituel du son et de la voix », pour les lignes des paragraphes  suivantes : 1-6, 7-15, 16-23, 24-31.

  1.        « Vide et plein – le langage pictural chinois », François Cheng, page 63.

  1.        « Des couleurs, Des sons, Du souffle », Pseudo-Aristote, Les Belles Lettres, 2017, page 93.

 

LE BOL CHANTANT TIBÉTAIN DE MOI MAINTENANT

© Josip Rainer

Paris, 6 décembre 2018

 Un petit mot annexe à Jean-Claude Baïsse, 26 novembre 2018

En vue de choisir un bol chantant spécifiquement pour moi, il faut nécessairement raisonner son choix sur un plan personnel ; cela revient à la nécessité encore plus difficile, de déterminer et de nommer l’invisible, le chant d’un bol qui s’entend, mais qui ne s’explique pas raisonnablement. Le bol chantant, chante, mais ce chant n’est pas chanson. Pourtant, le chant d’un bol nécessite que le bol respire à travers son alliage de métaux, ce qui donne cette résonance aérienne et linéaire qui rentre dans le corps et l’écoute intérieure de l’utilisateur. Voilà pour l’expression qu’exprime le bol chantant, et que l’utilisateur entend. Il reste néanmoins de déterminer, lequel des chants est mieux en phase (musicalement et décorativement) avec les attentes de l’utilisateur ; donc, lequel des bols est le plus conforme à mes besoins spirituels et thérapeutiques. Voici, le raisonnement qui constitue toute la réflexion pour bien choisir émotionnellement « mon bol à moi ».    

Les attentes diverses dans mon choix d’un bol tibétain, et de sa note musicale fondamentale, ils émanent émotionnellement de la nature de cette personne que je suis. Cet état de déterminisme dans le choix est aussi personnel que thérapeutique, et pour l’expliquer clairement, il fallait que j’entre dans un cheminement spirituel de réflexion. Le choix parfait de « mon bol à moi » dépend d’une corrélation correcte entre les critères de mes besoins personnels et  les caractéristiques techniques d’un seul bol chantant.  Cela nécessite un constat du corps de soi-même qui peut être long et lent, mais finalement la sincérité et l'efficacité de l’écoute intérieure en dépendent.

En tant que possesseur potentiel, c’est indispensable de bien choisir le symbolique inné d’un bol chantant, de mon bol à moi  que j’espère entendre, et qui m’aidera à être apaisé et à maintenir ma plénitude d’esprit face au constat du corps souffrant. C’est dans cet espoir d’entendement, que j’ai exploré et analysé les caractéristiques de base de mon choix d’un bol chantant. Finalement, après grande réflexion écrite, j’ai reçu « mon bol à moi », et c’est le bon choix de bol, et le texte m’était donc bien utile.

Josip Rainer  

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